rencontre à la piscine

un plongeon dans une piscine
Photo by Lavi Perchik on Unsplash

Le thème de cette nouvelle est un grand classique des ateliers d’écriture puisqu’il s’agit d’écrire un texte en insérant les 10 mots ci-dessous (tirés au hasard sur ce site) dans l’ordre qu’on veut :

Réel / Pièce / Machine / Perspective / Préparer / Baguette magique / Côte / Hôpital / Égout / Loterie


Le docteur Beck n’avait pas mâché ses mots. S’il continuait comme ça, c’était le double (voire le triple) pontage qui l’attendait pas plus tard que dans 5 ans.

A 56 ans, il se trouvait encore bel homme. Bien sûr, il avait pris un peu de ventre mais rien de bien méchant. Son passé de rugbyman lui avait laissé de beaux restes et un bon coup de fourchette, sans compter son goût immodéré pour le bon vin.

La perspective de passer sur le billard ne l’enchantait guère. Il n’avait aucune confiance dans les chirurgiens et les hôpitaux l’effrayaient au plus haut point. Tout le monde sait bien qu’avec ces gaillards-là, c’est souvent la loterie. Pas téméraire pour deux sous, il s’était donc résolu à reprendre assez mollement une activité sportive.

C’était la troisième fois qu’il s’obligeait à nager ce mois-ci et il essayait tant bien que mal de garder un semblant de dignité malgré le bonnet, les lunettes et son visage qu’il sentait rougir au fur et à mesure des longueurs. Il ahanait terriblement et après le troisième aller-et-retour, il se dit que merde, ça suffisait la comédie et qu’il avait assez souffert pour aujourd’hui. Il se préparait à rejoindre le bord quand il la vit approcher du bassin dans son maillot bleu pétrole.

Comme il la trouvait tout à fait à son goût (svelte, beaucoup plus jeune que lui, brune, cheveux courts avec un petit air d’oiseau fragile), il décida de rester dans l’eau pour mettre à profit ses talents de séducteur patenté. Ça faisait longtemps qu’il n’avait pas eu d’aventures et il se sentait pousser des ailes. Finalement, il avait drôlement bien fait de venir un matin, pour une fois. Passés les travaux d’approche, il lui proposerait d’aller déjeuner pour continuer leur conversation et, si tout se passait comme d’habitude, après deux ou trois verres de vin, elle n’opposerait plus guère de résistance et se laisserait conduire tranquillement vers l’hôtel le plus proche, le Walt en l’occurrence. Elle serait très impressionnée par le hall et encore plus par la chambre.

Il devait quand même prendre en compte le réel et donner un peu de sa personne pour préparer le terrain et enclencher la machine à envoûter.

Ah chiotte ! Il n’avait pas vu la copine. Ça ne faisait pas ses affaires qu’elle soit accompagnée. Il allait devoir changer ses plans


– Eh Marie, C’est qui ce type ?

– Personne, je ne sais pas.

– Qu’est-ce qu’il te voulait ?

– Je n’ai rien compris. J’essayais de reculer le plus possible parce qu’il avait une haleine pourrie de vieil égout.

– Il y a du monde aujourd’hui.

– Ouais, pas bien pratique pour nager.

– Bon, je fais encore 200 m et je me barre. On se voit chez Lulu samedi ?

– Yes, à plus.


Patrick ne comprenait pas ce qui s’était passé mais il semblait bien qu’il s’était pris un vent. Qu’à cela ne tienne ! Un peu de résistance rendait la chasse plus intéressante. Il allait l’attendre dehors, dans sa voiture. Lorsqu’elle verrait son bolide, nul doute qu’elle serait impressionnée.

Alors qu’il sortait de la piscine, il interpréta la pluie qui commençait à tomber comme un coup de baguette magique de l’Univers. Une aubaine pour engager de nouveau la conversation. Il lui proposerait tout simplement de la raccompagner en voiture. Elle l’inviterait à boire un café chez elle, pour le remercier. Il n’aurait plus qu’à laisser les choses se dérouler naturellement. Elle se changerait dans la pièce d’à côté et il se glisserait subrepticement dans son dos, pour la surprendre…

Il était encore toute à sa rêverie quand elle sortit enfin en se dirigeant d’un pas rapide vers le garage à vélo.

Il démarra en trombes, faisant gronder la belle mécanique de sa BMW X5 M50d pour attirer son attention mais n’obtint aucun succès puisqu’à ce moment précis, elle tourna la tête de l’autre côté pour déverrouiller son cadenas.

Patrick senti une onde de frustration le traverser de part en part et décida sur le champ de se venger en s’offrant un bon déjeuner au club avec Gérard et Brice qui devaient déjà s’être retrouvés pour l’apéritif. Une bonne côte de bœuf lui ferait le plus grand bien.


la cinglée

Photo by Alex Iby on Unsplash

J’ai trouvé le thème de cette semaine dans un cahier d’écriture que m’a envoyé “Les mots“, l’école d’écriture au sein de laquelle j’avais suivi l’atelier avec Martin Winckler.

C’est une proposition d’Elsa Flageul que j’ai adaptée :

Choisir un personnage de la photo ci-dessous qui raconte, à la 1ère personne du singulier et au présent, ce qu’il se passe. Puis écrire un autre texte à propos de la même photo dans lequel un autre personnage raconte lui aussi à la 1ère personne du singulier la même scène mais au passé, dans un présent qui n’est plus celui de la photo.

groupe de personnes assistant à une conférence
Photo by Product School on Unsplash


Je m’étais mis devant pour être sûr que le chef me remarque. J’étais la dernière recrue de la boite, je devais donc faire preuve d’intérêt pour tout ce qui s’y passait. Évidemment, j’avais réservé des places pour les 3 autres gars de l’équipe. Ils m’avaient prévenu que les grand-messes – qui avaient lieu deux fois par an – étaient des événements incontournables de Leko où se décidaient les promotions et les mises au placard des 6 mois suivants. Nous étions en automne, je m’en souviens parce que j’avais longuement hésité à propos des chaussettes : en mettre ou pas. Ma femme m’avait dit d’en mettre, j’en avais donc choisi des bleues assorties à ma chemise. Je savais bien qu’au cours de ce genre de réunions, les codes vestimentaires seraient plus souples que d’ordinaire mais j’avais quand même mis une cravate. Après tout, tout le monde serait là et nous, les commerciaux, représentions la boite à l’extérieur. Nous devions toujours être impeccables.

Ma présentation n’était prévue qu’en fin d’après-midi et pas en plénière mais au cours d’un atelier qui devait réunir le service commercial au grand complet et la direction. J’étais pas mal fébrile parce que je n’avais jamais rencontré le vieux Wichgestein. Mon chef semblait le craindre parce qu’il nous avait bien briefé les deux dernières semaines sur ce qu’il fallait dire ou pas, sur les chiffres que nous devions préparer, sur le style de questions qu’il nous poserait. Quand il en parlait, il se mettait à suer, lui qui d’habitude se montrait plein d’assurance et n’hésitait pas à nous rabaisser méchamment. Les autres gars m’avaient dit qu’il avait épousé la fille de Wichgestein et que du coup, il s’attendait à être promu numéro 1 à la place de Lagrange qui partait en retraite cette année.

Je commençais à m’impatienter parce que les gars n’arrivaient pas. Je devais en être à mon quatrième café de la matinée quand cette photo a été prise.

C’est, je crois, juste après ça que la tarée a déboulé.



Je n’aime pas être au premier rang, je suis d’un naturel plutôt discret. J’ai choisi le deuxième rang à cause de ma vue. Même avec mes lentilles, je suis le plus souvent incapable de lire les textes des diapos. Je suis content, j’ai réussi à m’asseoir juste à côté de Juliette. On ne dirait pas mais c’est une sacrée nana, Juliette. La première fille que je rencontre qui soit aussi dingue de WoW que moi. On s’y retrouve souvent entre midi et deux mais on n’en parle pas ouvertement. Je sais que c’est elle, elle sait que c’est moi (ou plutôt j’espère qu’elle sait que c’est moi). C’est une Elfe de la nuit, je suis un Draeneï, on est dans le même camp. Je fais semblant de me passionner pour ce que dit le gars de la prod mais en fait, je suis concentré sur le centimètre carré de mon genou gauche qui touche très légèrement celui de Juliette.

Brusquement, on entend des éclats de voix derrière nous. Tout le monde se retourne et je vois Nathalie, ma femme, faire irruption dans la salle de réunion. Je ne sais pas ce qu’elle fait ici. On dirait qu’elle est saoule, elle titube. Qu’est-ce que je dois faire ? Je n’ose pas me lever. Je vois bien qu’elle me cherche du regard. Ses yeux passent sur moi mais ne s’arrêtent pas. Tout le monde s’agite maintenant ; je ne sens plus le genou de Juliette contre le mien.

– Purée mais c’est qui cette folle ? On ne comprend même pas ce qu’elle dit.
Je ne me risque pas à répondre. Ne pas bouger. D’où je suis, je n’entends pas ce qu’elle dit. Elle agite les bras en tous sens, une des bretelles de sa robe a glissé. Elle ne s’aperçoit pas que son sein droit n’est plus couvert par le tissu.

– Christophe !
Elle hurle. Plus personne ne bouge.

– Chriiistooophe !
Les deux mecs de la sécurité arrivent enfin et la saisissent fermement. Ils la traînent en dehors de la salle. On l’entend encore crier à pleins poumons.

Les gens se rassoient tranquillement en se moquant de la cinglée, ma femme. Je sens bien que je suis rouge de honte. De loin, je vois mon chef qui me regarde avec insistance. Il sait qui est elle, il l’a reconnue malgré ses cheveux en bataille et sa démarche chancelante. Je ne sais pas qui est Christophe.


les cartes postales

cartes postales dans un carton
Photo by Christopher Flynn on Unsplash

1

Maman,
Je t’écris uniquement à toi parce que je suppose que papa s’en fout.
Ce camp est nul à chier. Je ne connais personne et les anims sont super relous à vouloir qu’on fasse leurs activités débiles. On n’a le droit au portable que deux heures par jour. Je veux rentrer à la maison.
Envoie-moi un peu de sous s’il-te-plait.
Bibis
Lisa
PS. je t’aime

2

Ici, s’est vraiment super. on s’eclatte à mort.
Lisa fait sa grande comme dabitude. Je la déteste.
Je me suis ecorcher tout le long du bras droit au foot. MDR !
Théo

3

Ma chère Marie,
Les enfants sont en camp de vacances aux Sables d’Olonne et j’ai décidé de partir quelques jours toute seule de mon côté. La première fois en 18 ans. Il l’a bien cherché. Je pense beaucoup à qui tu sais.
Bises, à bientôt.
Stéphanie

4

Maman,
Je suis partie quelques jours toute seule pour faire le point. N’appelle pas à la maison mais plutôt sur mon portable. Ne t’inquiète pas, tout va bien. J’espère qu’il ne fait pas trop chaud à Limoges. Je passe mes journées à lire et à me promener autour du village. C’est beau l’Ardèche !
Je t’embrasse
Stéphanie

5

Maman,
Laisse tomber les sous. J’ai trouvé une autre solution.
J’ai enfin rencontré les bonnes personnes. 🙂
J’ai appelé à la maison et sur ton portable, personne ne répond. Qu’est-ce qui se passe ? C’est chiant.
A part ça, il fait trop beau, on se baigne tout le temps.
Bibis
Lisa

6

Maman,
L’Inde est un pays magnifique, plein de traditions déconcertantes. La pauvreté est partout. Il faut vraiment faire quelque chose pour ces gens. Lorsque j’aurais fini mon initiation, j’aimerais beaucoup créer une fondation pour leur venir en aide – surtout aux enfants. La boite de grand-père pourrait sûrement me financer, non ?
On en reparlera.
Je t’envoie de l’amour et de la lumière
Camille (ou plutôt Angayarkanni comme on m’appelle ici)

7

Ma chère Camille,
Ton idée est formidable. J’en ai parlé à quelques unes de mes amies du club. Elles sont prêtes à te soutenir.
Thomas viendra t’accueillir à l’aéroport. Ton père, comme à son habitude, n’est pas disponible et je serai déjà en Normandie.
Je t’embrasse, à très bientôt
Maman

dans les vestiaires

Le mur d'une douche en carrelage bleu et blanc
Photo by Alexandru G. STAVRICĂ on Unsplash

Il aimait bien ce moment, après le match, quand tous les gars se retrouvaient au vestiaire avec le coach. Ils faisaient partie des meilleures équipes de la région, même si certains d’entre eux commençaient à se faire un peu vieux. On entendait à droite à gauche que Vincent, Karim et Julien devaient raccrocher l’année prochaine pour jouer chez les plus de 30 ans. Ce moment viril était souvent l’occasion de briller, entre mecs. Il en profitait alors pour étaler ses connaissances à propos de la gente féminine et de faire baver les potes devant les photos de ses nombreuses conquêtes. C’est vrai qu’il savait y faire avec les femmes. En même temps, ce n’était pas très compliqué avec sa belle gueule, il lui suffisait d’enrober le tout avec un peu de baratin pour remporter le pompon. Il avait sous le coude quelques phrases d’accroche qui fonctionnaient quasiment à tous les coups et ensuite, il ne lui restait plus qu’à leur faire croire qu’il les écoutait avec la plus grande attention. La plupart du temps, il s’en foutait comme de sa première capote mais pour les convaincre qu’elles occupaient toutes ses pensées, il avait son arme secrète.

Ce dimanche matin-là, c’est Vivian, leur goal, qui avait défini le thème des discussions en racontant une des nombreuses conneries qu’il avait faites à l’armée. A Laval, où il faisait son service, le respect des horaires était tellement strict que si tu passais le portillon 1 minute en retard, tu te tapais 3 semaines de corvée de chiottes. Vivian qui avait du mal, ce soir-là, à quitter sa copine, s’était mis à courir en sortant de la chambre d’hôtel. Il était si concentré sur le timing qu’il avait oublié d’enfiler son futal. C’est le regard paniqué du troufion de service allant de sa tête à ses jambes qui l’avait alerté. Vivian mimait la scène de manière tellement réaliste qu’ils rirent de bon cœur. Il n’avait pas seulement écopé de 3 semaines de corvées de chiottes mais aussi d’une suppression de ses deux perm’ suivantes.

Puis ce fut au tour de Régis de raconter une anecdote. Puis de Philippe. Karim n’avait pas fait l’armée en France, Julien avait été réformé P4 (ça le faisait marrer, le con). Les histoires se succédaient et il commençait à paniquer grave parce qu’il ne restait plus que trois gars qui n’avaient pas parlé. Trois gars dont lui, qui avait été réformé pour trouble psy. Personne ne le savait. Il avait tellement honte ! Il aurait préféré mourir que d’avouer qu’il n’avait pas fait l’armée parce qu’il avait pissé au lit pendant les trois jours. Lui-même ne comprenait toujours pas pourquoi un truc pareil lui était arrivé.

Il sentait le rouge lui monter aux joues. Plus que deux gars. Il cherchait désespérément un truc à inventer mais plus il réfléchissait, moins il trouvait. Son cœur commençait à battre vraiment très très vite. Il n’arrivait plus à déglutir. Il avait l’impression que tous les mecs le regardaient bizarrement, qu’en fait, ils savaient ce qui s’était passé et que c’était l’unique raison de cette soi-disant anecdote de Vivian. Ses poumons cherchaient l’air. Plus qu’un. Il n’entendait plus qu’un vague brouhaha très lointain.

– Eh oh, ça va ?

– Hein ?

– Mec, t’as pas mangé ce matin, ou quoi ? C’est ta cuite d’hier ?

– Quoi ?

– Ben ‘Tophe, t’as glissé du banc. Tu t’es étalé comme une merde, là, juste devant nous.

– Ah ? Non, tout va bien. Ça va, ça va, je vous dis.

– Vas-y, t’agace pas. Bon, c’est pas tout ça mais faut que j’bouge. On mange chez les parents de Séverine aujourd’hui.

Il l’avait encore échappé belle mais pour combien de temps ? Les histoires de régiment refaisaient souvent surface ces derniers temps…

les photos

vieille photo de famille en noir et blanc
Photo by Annie Spratt on Unsplash

Il s’agit aujourd’hui d’écrire une nouvelle en partant d’une petite annonce.

Voici la petite annonce en question (j’ai utilisé un site très connu et j’ai choisi la première annonce de la liste “France entière” et je trouve que le hasard fait décidément bien les choses) :

petite annonce défi nouvelles

Évidemment, si on regardait de très très près, on pouvait voir que c’était des faux mais la vieille avait la vue basse et il était persuadé que ça passerait comme une lettre à la poste. Encore lui faudrait-il convaincre Julius d’être son intermédiaire mais ça, il en faisait son affaire : un bon gueuleton et une jolie pépée devraient suffire.

Pour fignoler sa supercherie, il avait acheté un lot de CDV sur le Bon Coin. Il y en avait 107, les trois qu’il avait patiemment créés s’intégreraient parfaitement dans la série. Ça faisait plusieurs semaines qu’il y travaillait : il avait chiné du papier, l’avait vieilli avec du café et du thé, il avait même emprunté la vieille presse de son père pour écraser le bord des photos afin de leur donner la patine propre aux objets souvent manipulés. L’étape Photoshop n’avait été qu’une formalité. A force de filouter pour tout, il avait acquis une certaine maîtrise de la chose.

Comme tout le monde, il avait commencé au collège en imitant la signature de ses parents – celle de sa mère lui avait donné du fil à retordre parce qu’elle était vraiment emberlificotée, faite de pleins et de déliés (sa mère devait penser que ça faisait classe, que ça pouvait la faire passer pour quelqu’un de la haute). Il avait continué naturellement avec les bulletins de notes qu’il interceptait avant que ses parents ne rentrent du magasin – une chance, ils rentraient toujours tard – et il avait enchaîné, un poil au dessus, c’est vrai, avec les diplômes qu’il n’avait jamais obtenu, les fausses fiches de paye et les lettres de recommandation bidons.

Aujourd’hui, il s’attaquait à la crème de la crème : il voulait que la mère Weichgestein crache 100 000 balles pour qu’il ne révèle pas au journal local que sa soi-disant descendance noble était du flan. Et du très gros flan, en plus. Ça faisait des années qu’elle faisait croire à tout le monde dans la région qu’elle était la petite dernière de la famille de Moûtier, revenue après la guerre pour reprendre possession du château du même nom que les boches avaient annexé pendant trois ans. C’est son arrière grand-mère qui lui avait révélé le pot aux roses alors qu’il était tout petit. Tout le monde disait qu’elle yoyotait mais lui, il l’avait cru. La « grande dame » était en fait une des bonniches du château qui était restée dans les parages pendant toute la guerre. Et elle le savait bien, son arrière grand-mère, puisqu’elle aussi avait été bonniche chez ces gens-là. A l’époque, elle s’appelait Léontine Foussard et pas du tout Margaux de Moûtier.

Mais à la fin de la guerre, l’arrière grand-mère avait été tondue et elle avait définitivement perdu la boule. Après avoir donné naissance à sa seule et unique fille (la grand-mère de Christophe), elle avait été internée dans un établissement pour les gens comme elle. Sa mère l’emmenait parfois chez les dingues et c’est pendant ces moments-là qu’il avait appris toute l’histoire de la bouche-même de son aïeule. Il en était sûr, ces révélations allaient financer l’achat de son prochain bijou : une Porsche 911 Carrera S. Il lui resterait peut-être même de quoi gâter sa favorite du moment, une coiffeuse blonde platine qui s’appelait Paloma (Delphine en fait, mais il préférait Paloma).

Il allait falloir qu’il la joue fine. Cet empoté de Julius ne devait pas vendre la mèche en révélant qui lui avait donné les fameuses photos où on voyait la famille de Moûtier au grand complet avant la guerre. Julius était le seul maillon faible de son plan. Comment pouvait-il se passer de lui ? Il allait devoir réfléchir encore un peu. Qui peut attendre au dernier jour sera facilement le maître du monde, comme se plaisait à répéter sa folle dingue d’arrière grand-mère.