dans les vestiaires

Le mur d'une douche en carrelage bleu et blanc
Photo by Alexandru G. STAVRICĂ on Unsplash

Il aimait bien ce moment, après le match, quand tous les gars se retrouvaient au vestiaire avec le coach. Ils faisaient partie des meilleures équipes de la région, même si certains d’entre eux commençaient à se faire un peu vieux. On entendait à droite à gauche que Vincent, Karim et Julien devaient raccrocher l’année prochaine pour jouer chez les plus de 30 ans. Ce moment viril était souvent l’occasion de briller, entre mecs. Il en profitait alors pour étaler ses connaissances à propos de la gente féminine et de faire baver les potes devant les photos de ses nombreuses conquêtes. C’est vrai qu’il savait y faire avec les femmes. En même temps, ce n’était pas très compliqué avec sa belle gueule, il lui suffisait d’enrober le tout avec un peu de baratin pour remporter le pompon. Il avait sous le coude quelques phrases d’accroche qui fonctionnaient quasiment à tous les coups et ensuite, il ne lui restait plus qu’à leur faire croire qu’il les écoutait avec la plus grande attention. La plupart du temps, il s’en foutait comme de sa première capote mais pour les convaincre qu’elles occupaient toutes ses pensées, il avait son arme secrète.

Ce dimanche matin-là, c’est Vivian, leur goal, qui avait défini le thème des discussions en racontant une des nombreuses conneries qu’il avait faites à l’armée. A Laval, où il faisait son service, le respect des horaires était tellement strict que si tu passais le portillon 1 minute en retard, tu te tapais 3 semaines de corvée de chiottes. Vivian qui avait du mal, ce soir-là, à quitter sa copine, s’était mis à courir en sortant de la chambre d’hôtel. Il était si concentré sur le timing qu’il avait oublié d’enfiler son futal. C’est le regard paniqué du troufion de service allant de sa tête à ses jambes qui l’avait alerté. Vivian mimait la scène de manière tellement réaliste qu’ils rirent de bon cœur. Il n’avait pas seulement écopé de 3 semaines de corvées de chiottes mais aussi d’une suppression de ses deux perm’ suivantes.

Puis ce fut au tour de Régis de raconter une anecdote. Puis de Philippe. Karim n’avait pas fait l’armée en France, Julien avait été réformé P4 (ça le faisait marrer, le con). Les histoires se succédaient et il commençait à paniquer grave parce qu’il ne restait plus que trois gars qui n’avaient pas parlé. Trois gars dont lui, qui avait été réformé pour trouble psy. Personne ne le savait. Il avait tellement honte ! Il aurait préféré mourir que d’avouer qu’il n’avait pas fait l’armée parce qu’il avait pissé au lit pendant les trois jours. Lui-même ne comprenait toujours pas pourquoi un truc pareil lui était arrivé.

Il sentait le rouge lui monter aux joues. Plus que deux gars. Il cherchait désespérément un truc à inventer mais plus il réfléchissait, moins il trouvait. Son cœur commençait à battre vraiment très très vite. Il n’arrivait plus à déglutir. Il avait l’impression que tous les mecs le regardaient bizarrement, qu’en fait, ils savaient ce qui s’était passé et que c’était l’unique raison de cette soi-disant anecdote de Vivian. Ses poumons cherchaient l’air. Plus qu’un. Il n’entendait plus qu’un vague brouhaha très lointain.

– Eh oh, ça va ?

– Hein ?

– Mec, t’as pas mangé ce matin, ou quoi ? C’est ta cuite d’hier ?

– Quoi ?

– Ben ‘Tophe, t’as glissé du banc. Tu t’es étalé comme une merde, là, juste devant nous.

– Ah ? Non, tout va bien. Ça va, ça va, je vous dis.

– Vas-y, t’agace pas. Bon, c’est pas tout ça mais faut que j’bouge. On mange chez les parents de Séverine aujourd’hui.

Il l’avait encore échappé belle mais pour combien de temps ? Les histoires de régiment refaisaient souvent surface ces derniers temps…

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2 réflexions sur « dans les vestiaires »

    • Je me souviens de cette chanson, elle passait beaucoup à la radio il y a quelques années. Je n’ai jamais vraiment écouté les paroles. C’est un peu coquin, non ?

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