Elle est là, tout près. Je suis plus proche d’elle que je ne l’aie jamais été depuis plus de 20 ans. A peine 70 km, j’ai regardé sur internet. Son adresse est dans l’annuaire.
Lorsque je partirai de la région d’ici 3 jours, après avoir vu les fameuses falaises, je serai encore plus près – 50 km tout au plus.
Je m’imagine roder dans le village pour la voir sans qu’elle me voit. Pour savoir où elle vit, comment elle vit, même si je m’en doute.
Mais c’est trop risqué. Si je la croise, elle me reconnaîtra, forcément. Je n’ai pas beaucoup changé malgré les cheveux blancs. S’ils étaient toujours courts peut-être, mais ils ont poussé.
Je ne sais pas si j’irais.
Rien à voir avec du courage. Je me dis que peut-être, lui dire en face, ça fera tout cesser ; cette putain d’angoisse qui me prend certaines nuits.
Mais la vie ne ressemble pas à ça. Ce qui se passerait, probablement, c’est que ça relancerait les appels (les siens et ceux de sa clique).
Et puis il y a l’autre, son frère, auprès duquel je vais aussi passer, plus au sud. Il habite toujours au même endroit.
La seule que je voudrais voir et avec qui je voudrais tout régler, je n’ai aucune possibilité de savoir où elle est. Elle a du reprendre son nom de jeune fille après le divorce. Elle s’est peut-être même remariée. Je n’ai que son prénom et son visage fixé à tout jamais dans ma tête, depuis mes 8 ans. Sûre que si je la croise un jour, même vieillie, je la reconnaîtrais.
Mes fantômes sont tout près, trop près et je pense que je vais seulement continuer à les fuir.