Voici une petite nouvelle écrite, elle aussi, dans le cadre de l’atelier que j’ai suivi avec Martin Winckler.
Le thème : Écrivez votre meilleur souvenir d’enfance mais raconté par une autre personne (qui a assisté à la scène).
Un petit commentaire si vous en voulez encore (ça m’encourage grave !).
Le jour où…
Je ne sais pas pourquoi vous voulez savoir tout ça. Marie aurait très bien pu vous les raconter elle-même, ses souvenirs. Je suis une vieille femme. J’ai la mémoire sélective…
Pourtant, je me souviens très bien d’une journée en particulier. On me l’avait déposée le matin, je ne sais plus pourquoi. Elle devait gêner pour une raison ou pour une autre ; c’était peut-être le jour où ils ont déménagé. Je ne sais plus exactement. C’est loin tout ça.
Je l’aimais bien cette gamine. Elle n’était pas comme les autres enfants qu’ils ont eus. Elle passait son temps à lire allongée dans l’herbe, au fond du jardin. Ce jour-là, il faisait beau. Elle était derrière la maison. Elle ne devait pas avoir plus de 4 ans. Je l’entendais rigoler, je me suis dit qu’elle devait être avec le petit voisin. J’avais préparé des madeleines pour le goûter.
En me penchant par la fenêtre pour les appeler, je me suis aperçue qu’elle était seule. Elle s’amusait à courser les papillons avec son petit vélo rouge. Une idée m’a traversé l’esprit. J’allais sûrement m’en mordre les doigts mais voilà, il fallait qu’elle sache. Et il le fallait aujourd’hui !
J’ai lâché les madeleines. Je suis descendue à la cave pour chercher les outils de mon défunt mari – je me souvenais qu’il en avait une caisse pleine quelque part dans le capharnaüm qui lui servait d’atelier. Lorsque je suis remontée, je devais avoir l’air de quelqu’un qui veut en découdre parce qu’elle a stoppé tout net de pédaler et elle me regardait d’un air grave.
– Marie, viens voir par ici que je te montre quelque chose.
Elle a immédiatement pris l’air de celle qui a fait une bêtise. Il faut dire qu’elle en faisait souvent à cette époque. Elle est arrivée mi souriante mi penaude, ne sachant pas ce qui allait lui tomber sur le coin du nez.
J’ai empoigné son vélo, l’ai retourné d’un coup et ai commencé à farfouiller dans la vieille caisse. J’ai finalement réussi à trouver ce dont j’avais besoin. En deux coups de clefs, je les ai enlevées et lui ai remis le vélo dans les mains.
– Maintenant, vas-y, remonte et pédale, lui ai-je ordonné.
Ella a grimpé sur la selle, très confiante, a décollé un pied du sol en appuyant sur la pédale de l’autre côté. Ça n’a pas loupé, à peine avait-elle fait un mètre qu’elle est tombée.
– Recommence !
Vaillante, elle est remontée sur le vélo et est retombée encore plus rapidement.
– Attends, je vais te tenir un peu mais il faut que tu pédales, vite.
Elle a murmuré un tout petit « oui » mal-assuré. Je l’ai tenue pendant deux ou trois mètres en m’efforçant de courir à côté, puis je l’ai lâchée. Elle s’est affalée de tout son long sur le vélo. De petites larmes pointaient mais elle n’a rien dit à part le mot magique : Encore !
On a recommencé tout l’après-midi. Je me souviendrais toute ma vie de sa joie quand elle est enfin parvenue à faire quelques mètres sans mon aide. Au bout de deux heures, j’étais en sueur et elle était pleine de bleus et d’écorchures. Enfin, elle savait.
Nous sommes rentrées pour dévorer les madeleines. Elle n’en finissait pas de me raconter ses exploits.
Je savais qu’ils allaient m’enguirlander mais j’avais fait ce que je devais faire. Je n’ai jamais eu d’enfant alors j’ai gravé cet après-midi en moi : son rire surtout et ses petites larmes, aussi.
Loïc Lantoine sur scène récemment disait : « voici un texte autobiographique pour provoquer le phénomène de l’empathie ». Ceci pour dire que je serai curieux d’écouter et/ou lire ici un texte pas du tout autobiographique.
Ce n’est pas vraiment autobiographique (ma mère n’est pas morte, par exemple). C’était le thème général de l’atelier (l’autofiction) mais il y en a quelques uns qui sont plus loin de moi que ces deux-là. On verra la semaine prochaine…
En mettant à réchauffer sur feu très doux la soupe de légumes, j’ai pensé que tu pourrais réactiver ton compte sur ArteRadio pour y publier tes histoires sonores, histoire d’essayer d’élargir l’audience… Mais peut-être le fais-tu déjà? Et oui je pense à toi en faisant réchauffer la soupe.
Désolé, j’ai tapé trop vite et ainsi j’ai omis une espace avant le point d’interrogation. J’espère que tu voudras bien me le pardonner.
😀
Ben oui, j’y pensais justement mais il faudrait que je trouve un moyen de le faire plus facilement. Si tu connais un truc genre ifttt.com mais qui fonctionne pour arteradio, je suis preneuse ! J’ai publié quelques sons sur Soundcloud https://soundcloud.com/marie-sans-importance mais ce n’est pas pareil.