Voilà : aujourd’hui je pleure et j’emmerde tout le monde ! Je veux juste m’enterrer au fond d’un trou, m’endormir d’épuisement à force d’avoir trop chouiné et me réveiller quand la vie sera redevenue chouette.
Quand on déprime grave, on entend toujours des grosses conneries bêtises de la part de gens qui ne se rendent même pas compte de l’absurdité de ce qu’ils racontent :
- « C’est dans la tête, tout ça ! » – comme si, du coup, c’était moins grave, comme si votre souffrance n’existait pas.
- « Faut pas pleurer (déprimer) ! » – ben là vraiment, je ne comprends même pas l’utilisation du « Faut pas ». Mais espèce
de cond’idiot, si je pouvais faire autrement, je le ferais. - « Ça passera, faut pas se prendre la tête ! » – le mix des deux premiers, souvent prononcé avec l’air entendu de celui ou celle qui en sait plus que toi sur la vie (nan mais, tu as une vie intérieure ou tu es juste un
putainpurée de pois de robot ?!). - « Faut pas se laisser aller ! » – réponse : je t’emmerde (je m’aperçois que je suis très vulgaire dans ce billet).
Donc, bien évidemment (est-ce évident ?), en plus d’être totalement déprimée, je culpabilise de l’être. Certain.es de mes ami.es m’ont dit que je peux les appeler en cas de coup de mou ; ce que je ne fais surtout pas et je vais vous expliquer pourquoi.
Quand vous êtes bien dans votre peau, vous avez à peu près zéro empathie et zéro envie de vous coltiner les problèmes des autres. Et c’est bien normal : chacun dispose d’une bonne dose de problèmes personnels alors quand ça va, on veut en profiter à fond. Ce n’est carrément pas le moment de se faire assombrir le ciel par une rabat-joie.
Et quand vous n’allez pas bien, il est à peu près évident que vous n’allez pas, en plus, aider une autre âme en peine à porter son fardeau.
Alors à la place, quand j’appelle des ami.es, je fais « style » (vieille expression des années 90) que je vais bien, que je prends tout ce qui m’arrive à la rigolade. Et si, du bout des lèvres, j’avoue que je ne vais pas fort (une litote), je minimise et j’emploie les fameuses expressions débiles (ou des variantes, pour ne pas lasser l’interlocuteur ou l’interlocutrice) ci-dessus exposées.
Pourquoi ? Parce que je ne veux pas perdre les quelques rares personnes qui se soucient de mon sort. C’est pathétique mais c’est comme ça. On appelle cette façon de faire la « dépression souriante » (c’est mignon, hein, on croirait même que ce n’est pas grave). Je suis assez bonne à ce jeu-là mais il faut dire que j’ai pas mal d’entraînement.
Alors aujourd’hui, vu que je n’ai aucun endroit où aller (je suis à Bergerac, que j’ai déjà parcourue à pied dans tous les sens mais sans restaurants, sans bars, sans musées, sans concert, sans aucune possibilité de rencontrer qui que ce soit), je vais rester enfermée dans mon AirBnB en sous-sol (le moins cher que j’ai trouvé : 300 euros les 9 nuits) et pleurer sans doute toute la journée sur mon sort. Ce soir, je prendrais sûrement un somnifère pour oublier ma vie et m’endormir du sommeil de la juste vieille. Le début de la fin, je vous dis ! Moi l’insomniaque, qui ai toujours été contre, – fastoche de l’être quand on ne sait pas ce que c’est que la ménopause et ces crises d’angoisse nocturnes avec impossibilité physique de faire la sieste pour rattraper – il m’arrive de prendre un demi-cacheton pour sombrer.
Demain, c’est jour de marché ! Youhou ! Je vais croiser le regard de quelques êtres humains mais sans voir leurs éventuels sourires (rapport aux masques) ! Faut pas trop en demander quand même. Et si j’ai vraiment de la chance, un.e commerçant.e me dira autre chose que bonjour et merci. C’est peu de dire que j’ai hâte de me frotter (ah non, c’est vrai !) à toute cette humanité (ça va être la fête, je ne vous raconte pas).
Le « aujourd’hui » du titre est-il devenu du passé ?
Woui… C’est le propre du présent d’être déjà passé.
PS. quand je dis que j’emmerde tout le monde, c’est bien entendu contre moi que je dirige tout ça. En vrai, j’aime bien les gens la plupart du temps 😉